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JEUNES LASCAHOBASSIENS QUI VIVEZ AUJOURD’HUI VOS VINGT ANS, AVEZ-VOUS UNE IDEE DE CE QUI S’EST PASSE DANS VOTRE COMMUNAUTE, A TRAVERS LES ANNEES 60,70,80?

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L e morceau qui va suivre s’inscrit dans le cadre de toute une série d’entretiens, de réflexions et de synthèses que nous avons réalisés en 1996, avec des lascahobassiens conséquents qui ont vécu du dedans les activités culturelles des années 60,70,80 de leur communauté. Mr Hubert Jean François Cadet, ancien éducateur à l’école St Esprit; ancien président de la ligue de foot-ball de Lascahobas, était de ceux-là que nous avions invités à venir dans nos murs pour nous faire part de leurs expériences; de ce qu’ils ont vu, entendu et observé dans la cité des ACAJOUX à cette époque-là. Nous espérons être bien instruits.


S.D - Mr Hubert, vous lascahobassien qui avez beaucoup vécu à Lascahobas. Pourriez- vous nous donner quelques détails sur ce qui s’y passait dans votre jeunesse?


H.C - La société de Lascahobas, à l’époque de ma jeunesse, reposait sur l’union, la solidarité et la vraie communication. Elle était très évoluée, d’autant qu’il y avait des groupes de jeunes qui excellaient dans différents domaines: SPORT, THEATRE, MUSIQUE... On accordait énormément d’importance au sport. Nous avons connu beaucoup d’équipes de foot-ball et pas mal de volley-ball. Les Jeunes filles pratiquaient le volley-ball et les garçons le foot-ball. Je crois que Lascahobas était très animée, très émancipée à cette époque


S.D - Comment a été la communication, entre les jeunes et les adultes; en particulier les directeurs d’écoles et les enseillants?


H.C - Pour répondre à cette question, je dirais que les plus âgés réfléchissaient sur l’avenir de la société, sur les jeunes qui vont assurer la relève. Je peux toutefois placer la communication un peu en dessous de la moyenne.


S.D - Les notables ont-ils compris les jeunes, Mr Hubert?


Non. Ils n’étaient vraiment pas compris. Car, si nous regardons de près, il n’y a pas de réussite. Il y avait un manque de dialogue, pas de conseils. Néanmoins, les notables ne pensaient qu’au développement de Lascahobas. Ils ont beaucoup aidé au niveau de la culture. Je me rappelle encore G.C.L, “groupe comique de lascahobas”. Nous avons eu un club sportif qui favorisait le culturisme, la culture physique. Et, de ces sportifs, était né un petit groupe musical connu sous le nom de “L’ETOILE DE LA JEUNESSE”, dont j’ai été le bassiste et mon jeune frère Destin le guitariste. Ce groupe, en toute sincérité, savait entrainer la population à la danse. A dire vrai, les jeunes ont lutté pour rester soudés les uns aux autres sous la direction des adultes.


S.D - Mr Hubert, vous venez de dire que les notables n’avaient qu’une idée à l’esprit, c’est de travailler pour le développement de Lascahobas. Pouvez-vous nous citer quelques-unes de leurs réalisations dont les jeunes d’aujourd’hui se servent encore, pour subsister?


H.C - Les notables ont beaucoup supporté la jeunesse, la société dans son ensemble. Je peux même me permettre de dire que les lascahobassiens d’aujourd’hui se réjouissent encore des bienfaits qu’ils nous ont légués. Nous pouvons citer: notre terrain de foot-ball qui peut être , dans un certain sens, considéré comme une donation de Mr Magloire Abraham à Lascahobas. Il est vrai qu’il l’avait vendu à notre ligue de foot-ball, mais à un prix totale ment dérisoire. Grâce à ce terrain nous avons pu participer au championnat interrégional des années 70 ; 80. Nous pouvons dire que c’est un privilège. De plus, si notre village, aujourd’hui, est approvisionné en eau potable, nous devons remercier des personnages comme feu Révérend père Jacques Block; feu maire Mr Ulrick Vernet; Révérend père Gesner Montès et Mr Lafortune Victor. Ils ont consenti des efforts ardus dans d’autres domaines, pour autant que je sache, mais ils n’ont pas réussi. Moi, personnellement, je leur en suis reconnaissant.


S.D - Depuis mon enfance, j’entends toujours des lascahobassiens citer le nom de “Mèt Notè.”Qui était ce personnage et pourquoi ce souvenir, Mr Hubert?


H.C - Mon cher Sévère, tu te rappelles un personnage qui était réellement utile à ma génération. Les lascahobassiens se plaisent encore à l’appeler: Mèt Notè, mais il s’appelait : Luc E Bernard.Il fut à la fois notaire et éducateur à Lascahobas. Il a éduqué ma génération, celle qui m’a précédé, des lascahobassiens qui vivent encore sous leurs cheveux gris.Il était un très grand éducateur aimé et respecté de tout le monde. Il dirigeait son établissement- L’ECOLE ST GABRIEL avec autant de compétence que de professionnalisme. Mr Bernard n’était pas né à Lascahobas. Il était venu de Pétion-Ville pour exercer son métier chez nous à Lascahobas. Alors, on se souvient encore de lui dans certains milieux lascahobassiens.


S.D - Que pourriez-vous nous dire de UNION-CLUB qui aurait été, dit-on, l’une des plus grandes associations culturelles que Lascahobas ait jamais connues?


H.C - Je crois avant tout que je suis bien plaçé pour parler de UNION-CLUB, car je faisais également partie des jeunes qui avaient pris l’initiative de l’instituer. Je peux citer: Jean Pierre-Toussaint; Claudette Boisieaux “Ninote” ; Lisly Chéry et Carolle Tertulien. Un beau jour, nous nous sommes décidés à nous réunir pour réfléchir sur les modalités de la formation d’un groupe culturel, d’où la naissance du CLUB. Au paravent, nous avions su organiser des bals de salon, des excursions ou des promenades; faire l’expérience du théâtre. Nous avons beaucoup fait bouger la jeunesse. Les pères et mères de famille étaient toujours à nos côtés pour nous prodiguer leurs conseils et nous émettre leurs opinions. C’était un réel UNION-CLUB, à mon avis.


S.D - Qu’est- ce qui explique le fait que, depuis très longtemps jusqu’à ma génération, la société n’était réellement animée que pendant les vacances?


H.C - Je crois que cette question est très explicite, dans un certain sens. Dans une société, qui est-ce qui peut recréer, animer, faire bouger? Je pense que c’est l’élite intellectuelle, c’est-à-dire les éducateurs et les étudiants. Il se trouve que nous n’avions disposé d’aucun centre secondaire, les jeunes avaient dû, après leurs études primaires, se rendre à Port-au-Prince pour les secondaires. Je dois te dire aussi, Sévère, que les jeunes aimaient beaucoup Lascahobas, leur village. Ils y étaient toujours présents pour célébrer les fêtes de fin d’année, les Pâques et animer les grandes vacances d’été. Ils savaient aussi emmener avec eux des amis port-au-princiens qui nous ont beaucoup aidé surtout au niveau du foot-ball, et ils étaient très aimés de la population.


S.D - Les jeunes qui pouvaient ne pas se rendre à Port-au-Prince, Maitre Hubert, étaient eux-mêmes, inactifs pendant les vacances?


H.C -Non. Evidemment pas. Mais en travaillant de concert avec les autres.


S.D - Mr Hubert, en tant que ancien éducateur et responsable sportif, l’éducation et le sport se sont-ils conjugués pour créer la dynamique à Lascahobas?


H.C - Le sport et l’éducation représentent deux valeurs qui allaient de paire. C’est à partir de l’éducation que nous avions pu organiser spécialement notre foot-ball. Le directeur de l’école St Esprit, le Révérend père Gesner Montès, a invité quelques-uns de ses instituteurs à réfléchir sur la manière de mettre sur pieds un championnat interscolaire pour maintenir les jeunes plus près de nous. Nous avions fait passer l’idée aux autres écoles, elle était très bien reçue. C’est ce même travail qui nous a conduit au championnat interrégional avec l’une des meilleures sélections du plateau central. En outre, je peux avouer que le sport encourageait les jeunes à persévérer sur le chemin du savoir.


S.D - Christophe Honoré, l’un des meilleurs foot-balleurs de Lascahobas, a rendu l’esprit au mois d’Avril de l’année 1996.Vous voulez nous dire quelques mots de lui?


H.C - Mon cher, Christophe Honoré est le meilleur foot-balleur de sa génération, L’un des meilleurs de Lascahobas. Je ne me sens vraiment pas heureux de parler de lui après qu’il ait fui notre terre. Nous aurions dû lui faire preuve de reconnaissance, lui couvrir d’honneurs, bien avant déjà. Il était un homme très courageux qui a consenti beaucoup de sacrifices dans et pour sa vie. Il a consacré une bonne partie de sa vie à notre foot-ball. Christophe aurait dû être un modèle pour les jeunes d’aujourd’hui. Car, il était un rare lascahobassien qui avait pris conscience de ses limites jusqu’à penser à s’engager à nouveau sur la voie de la recherche, de la connaissance. Il fut grand.


S.D - Maitre Hubert, êtes-vous profondément satisfait des jeunes de ces générations que vous avez précédées?


H.C - Mon cher, Sévère, je peux te considérer comme mon fils. Je suis très fier que tu sois en mesure de me poser cette question. Tu es l’une de mes satisfactions. Si tu étais mon élève qui choisit de me solliciter des informations sur ce qui se passait dans ma plus tendre jeunesse, c’est la preuve que je n’avais pas travaillé en vain. Je pense que tu n’es pas le seul qui puisse faire ce travail. Il faut que les autres fassent aussi preuve de compétence pour mener ce mouvement à bon port. Tu me fais penser à Maitre Marky Etienne, un éducateur qui a orienté nombre de jeunes de ta génération, au Révérend père Gesner de la très prestigieuse ECOLE ST ESPRIT. Je crois qu’ils sont aussi satisfaits que moi de cette réussite.


S.D - Que pourriez-vous souhaiter à Lascahobas pour le siècle à venir Maitre Hubert?


H.C - Pour le siècle à venir, Je voudrais souhaiter beaucoup de choses à ma communauté. A mon enfance, je savais me servir d’une lampe à pétrole pour étudier mes leçons, maintenant Lascahobas est sur la voie d’être électrifiée. De plus, je devais me rendre à la rivière, pour me baigner, pour le moment nous sommes approvisionnés en eau. Aucune des rues du village n’était asphaltée par le passé, aujourd’hui nous en avons quelques-unes.Tout cela, c’est du progrès. Pour le 21ème siècle je souhaite que la communauté puisse se ressaisir pour mieux tenir compte de nos problèmes fondamentaux, favoriser une meilleure communication ou compréhension au niveau des élites. Je crois que ce sont autant de facteurs indispensables, si nous voulons faire émerger nos valeurs pour le bon équilibre de la société.

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