L ascahobas.info, lanterne de la communauté lascahobassienne, se résout à éclairer le chemin de nos femmes engagées douées de très grandes facultés, capables de présenter aux hommes de grands défis. Ainsi, Carolle Tertulien ,lascahobassienne, une femme publique très remarquée aux niveaux de différents milieux haitiens et étrangers, activiste s’adonnant à des recherches sur le terrain des sciences appliquées, plus particulièrement dans le domaine de l’administration des affaires adaptées au management des ressources humaines; candidate à une maitrise en administration publique au Fairleigh Dickinson university, mérite notre estime, notre admiration. A part ses différentes activités extra-professionnelles, elle travaille pour le Port Authority de New-york et New-jersey depuis vingt-cinq ans, elle est à la fois secrétaire générale de l’organisation pour le développement de Lascahobas depuis dix-sept ans et coordonnatrice de la fédération englobant les différentes organisations régionales haitiennes oeuvrant dans la diaspora. Retour d’Haiti, de son séjour au cours duquel elle a pu observer la mouvance de la société lascahobassienne, Carolle a choisi de porter ses regards sur nous pour des commentaires, analyses, critiques et réflexions générales.

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SD- Bonsoir Carolle! Carolle, Lascahobas.info s’est engagé dans une série d’entretiens avec des lascahobassiens progressistes militant dans la dispora. Il est vrai que vous êtes une femme publique connue tant dans notre milieu que dans d’autres environnements étrangers, mais nous avons notre propre indice qui voudrait que notre interviewé se présente toujours au grand public. Alors, qui est Carolle Tertulien ? Quels sont vos différents parcours?

CT- Bonsoir Sévère, ça va bien d’être avec vous aujourd’hui. Je dois, tout d’abord applaudir Lascahobas Info pour son travail dans notre communauté et le remercier, du même coup, pour ce temps qu’il m’a accordé. Bien sûr, beaucoup de Lascahobassiens me connaissent sous le surnom de Carolle Ti Boule. Je suis d’une famille de dix enfants dont je suis la cinquième. Mon père est Raymond Tertulien et ma mère Félicia Montas ( Ti boule). Je suis née et ai grandi à Lascahobas. J’ai fait mes études primaires à l’école Notre dame de Lascahobas et ma sixième secondaire à l’âge de treize ans au collège Moderne dont Mr Frantz Olivier fut le directeur. Après, j’ai dû me rendre à Port-au-Prince pour poursuivre mes études dans la nostalgie. Car, Je n’avais aucune envie de quitter mon village. Les inconvénients du moment voulaient que j’étais à Port-au-Prince, mais j’étais toujours présente, à Lascahobas, sous le toit Paternel pendant les jours de vacances pour fêter avec mes amis.


SD- Pendant les vacances vous étiez toujours à Lascahobas pour recréer la vie avec vos amis. Voulez-vous nous décrire la plupart de ces moments de recréation?

CT- Je dois vous dire, avant tout, que notre église catholique était alors un centre autour duquel gravitait tout un ensemble d’activités recréatives. Non seulement il y avait la chorale qui réunissait la jeunesse, mais il existait aussi d’autres groupes tels que: croisillon et cadette, deux mouvements de jeunes, auxquels j’avais appartenu, réunis et animés autour du révérend père Lessot. Les programmes étaient très identiques à ceux des écoles salésiennes. Car, je me souviens encore de ces rencontres, annuelles avec d’autres groupes venus de différentes communautés, ayant toujours été rendues possibles chez les salésiennes. Ce mouvement existe encore dans certaines régions haitiennes sous la dénomination: Kiro. Nous savions organiser des excursions, des pique-niques dans les bois d’alentours et des "feux de camp" sur la cour de la caserne. Il y avait la troupe de dances folkloriques appelée Collier vèvè dirigée par Jean Pierre-Toussaint, à côté, nous avions eu OMEGA qui faisait bouger l’espace du genre dramatique. La vie était très intéressante à cette époque-là.


SD- Union-club , Carolle, une très grande association culturelle, dit-on, qui a fait long feu à Lascahobas. Nous savons que vous en étiez une membre très active, pourriez-vous nous en parler? Tout au moins, cette association a été la résultante de ces activités recréatives de base que vous venez de présenter?

CT- Oui, il y a certains rapports; c’est vrai nombre de mes amis qui s’étaient manifestés dans ces petits mouvements antérieurs, allaient devenir aussi très actifs au sein du Club. Mais celui-ci, je peux dire, était l’idée des plus grands qui étaient plus avancés intellectuellement que nous autres congénères immédiats. A l’arrière-plan de ce renouveau, nous pouvons porter l’index sur des personnages comme: Destin Jean François; Lionel Loiseau; Hubert Jean François; Lisly Chéri; Jean Pierre Toussaint; Claudette Boisieaux (Ninotte) ; Frantz Olivier..., qui ont encadré, nous, les plus jeunes pour mieux nous éclairer.


SD- Quelles étaient les principales préoccupations, activités de ce CLUB, du moins, sa philosolophie?

CT- Je peux dire que c’était une nouvelle approche dans l’art de peindre les activités sociales, une énergie créative libératrice capable de rassembler les esprits. Les élites intellectuelles, peu nombreuses qu’elles aient été, étaient au rendez-vous. Nous avions organisé beaucoup de choses: faire venir très souvent dans la ville des groupes musicaux de Port-au-Prince, pour inviter la population à la danse; surtout à l’occasion de notre Saint Gabriel, ou les festivités de fin d’années La pratique du théâtre occupait le centre de notre programmation. Nous avons également pu créer des moments de débats où des sujets d’actualités étaient présentés et sur lesquels on devait réfléchir, discuter, produire des arguments solides pour défendre ses points de vue. La pratique de la langue française était une exigence dans certains milieux aussi bien que dans certaines circonstances. Le sens de l’écriture était aussi assez développé, car beaucoup de jeunes savaient composer des poèmes et des oeuvres en prose pour des comédies musicales. C’était très excitant. Par contre, maintenant que j’ai grandi et expérimenté, je peux déclarer qu’il y avait eu un sectarisme aveugle à l’intérieur de l’association. Car, pour en devenir un membre, il a fallu réunir certaines conditions d’ordre social ou parfois familial. Je pense que c’était de la discrimination et je trouve que c’était pas bien.


SD- La discrimination n’est pas toujours mauvaise dans une société, à en croire certains sociologues, surtout quand elle contribue au maintien de l’ordre social naturel. Si cette discrimination permettait de hiérarchiser pour mieux servir, on pourrait dire que c’était positif. Y avait-il une marge de la population qui ne pouvait pas avoir accès à des activités ?

CT- Oui! Tout le monde pouvait accéder aux différents programmes, sauf que la possibilité de s’acheter un billet à la porte d’entrée, n’avait pas toujours été à la portée de tout le monde. De plus, il existe dans la structure même de la société lascahobassienne d’autrefois le fait qu’il y a des gens avec lesquels on ne devait pas se mettre à table. La vie morale était controlée dans une très large mesure. Donc les actes immoraux ètaient parfois bien sanctionnés. Personnellement, je pense qu’en dépit de tout cela, l’individu ne devait pas être exclu.


SD- Cette association représente votre dernier podium avant le départ pour les Etats- unis?

CT- Au niveau de Lascahobas oui. Mais, avant mon départ pour les Etats-Unis, je m’étais heureusement investie dans des activités sportives. Je faisais partie de l’équipe de foot-ball de mon collège Martin Lutherking. Ensuite, j’ai accumulé des expériences à partir de mon passage au service de la croix rouge. Il me plait à vous dire que la volonté d’être toujours au service des autres, m’a inspiré tant de choses à faire et à aimer dans ma vie.


SD- Vous avez quitté Haiti pour USA au milieu des années 70. Comment ont été les débuts dans une société si opposée à votre région d’origine?

CT- J’ai vécu mes premiers moments à New-york, chez mon grand frêre, Eliot qui est ou était un personnage très strict. Il n’était pas facile pour moi de m’engager dans des activités publiques. Mes études devaient occuper la première place, car j’avais dû consentir pas mal d’efforts pour arriver à décrocher mon diplôme de fin d’études secondaires, à New york. Parfois, je sentais que j’étais devenue une autre personne, car je n’avais pas beaucoup à faire, comme cela a été dans mon pays. La première initiative publique que j’aie entreprise, n’est autre que la mobilisation de beaucoup de lascahobassiens autour de la question du Prestige Athlétique Club : mon jeune frêre Patrick ( Pancho) m’avait écrit pour m’informer du fait qu’il fait partie d’une très grande équipe de foot-ball faisant la différence à Lascahobas de par la qualité de son jeu, mais qui s’est trouvé confrontée à des dilemmes. Donc, j’ai dû téléphoner à un très grand nombre de compatriotes pour les sensibiliser sur la nature du problème. J’ai pu jouer un rôle de trait d’union qui a permis l’octroi d’un très grand support à cette admirable équipe dont Ronald Sigué ; Fritz Gélin ; Pédro Damas et feu Cliford Pollas étaient les fers de lance. Et, j’ai gardé encore jusqu’ici, dans mes archives une photo vraiment désirable de ces jeunes lascahobassiens.


SD- C’est à partir de cette initiative que l’dée de penser à la formation de l’organisation pour le développement de Lascahobas, a séduit les esprits?

CT- Non, à l’époque l’idée de réfléchir sur la formation d’organisations régiomales n’était pas encore à la mode.je crois que c’est un courant qui a beaucoup à voir avec le processus engendré par la crise socio-politique des années 80 ayant abouti à la chute de Jean Claude Duvalier. Notre organisation a vu le jour en Avril 1990, au cours d’une réunion réalisée chez moi, sans que je ne l’aie sû, par Pancho et Roland. Ce jour-là, j’étais sortie pour travailler. Je suis rentrée au coeur des discussions et c’est alors que Roland m’a passé un cahier pour noter les retombées des discussions et c’est ainsi que je suis restée secrétaire. Etaient présents : Ronald Sigué ; Elcie Sapiny; Patrick Tertulien ; Roland simon; Lisly Chéry... l’esprit a fait son chemin, nous avons travaillé ensemble, structuré, livré des propagandes, gagné la sympathie de beaucoup de lascahobassiens et réalisé diverses activités de rentrée de fonds. ODL était l’une des meilleures organisations régionales. Mais, l’organisation vient de survivre une crise, on ne peut plus terrible, qui n’est pas sans rapport avec le relâchement de la grande majorité des membres. Et, je souhaite que les lascahobassiens de bonne volonté puissent comprendre ce nouveau mouvement de rassemblement qui semble vouloir ranimer l’organisation et saluer en même temps la clarté et le dynamisme des nouveaux esprits. De plus, je dois formuler mon respect et mes mots d’encouragement à toutes les femmes vaillantes qui ont décidé de s’engager, de leur plein gré, aux besoins de la communauté.


SD- En plus de cette lourde responsabilité de secrétaire générale de l’ODL, vous êtes la coordinatrice de la fédération qui couronne les différentes organisations communautaires évoluant dans la diaspora. Quelle est la vision de cette fédération?

CT- Haitiens que nous sommes, nous avons notre propre devise qui est "l’union fait la force" qui n’est pas toujours au centre de nos préoccupations. D’où, peut être, l’origine de notre faiblesse, de notre retard vis à vis du monde d’aujourd’hui. Il y a toute une multitude d’organisations régionales haitiennes qui, par le passé, travaillaient de façon isolée. Finalement, la réalité a exigé le développement d’une pensée collective pour mieux canaliser et globaliser les projets d’avenir. Donc, nous avons commencé à réfléchir sur la nécéssité de travailler avec toutes les unités de base pour nous fixer de grands objectifs: encadrer les cellules opérant sur le terrain, encourager les autres Communautés haitiennes à s’organiser, participer au processus de structuration de ces nouvelles organisations, coordonner les différentes activités, canaliser les sollicitations vis à vis des organismes internationaux et mener des enquêtes sur le terrain en Haiti pour mieux nous assurer des priorités. La fédération travaille officiellement depuis Avril 1999.Au début, je remplissais la fonction de conseillère, mais deux années après, je suis élue et promue au poste de coordinatrice. Sous la même rubrique, je voudrais que notre organisation aussi bien que Lascahobas Info supportent l’organisation de la vallée de Jacmel FRATERNITE VALLEENNE , à l’occasion de la célébration de son trentième anniversaire, le 22 Décembre prochain.


SD- Nos enquêtes ont révélé que vous venez d’effectuer une tournée de quelques jours en Haiti, bien sûr, à Lascahobas. En tant que responsable de développement, qu’est-ce que vous constatez? Quelles sont les priorités?

CT- Evidemment, j’ai beaucoup constaté et réellement observé à Lascahobas. Notre société est en train de bouger. Mais, il me semble que nous avons besoin de plus d’orientations. A mon avis, le problème de l’électricité représente la priorité numéro 1. J’ai discuté avec le maire de la ville sur la situation. Il a eu à me dire que des démarches sont déjà menées au près de l’EDH, et que selon le directeur nous aurons une solution à cette crise d’ici au vingt Novembre. Donc, j’attends cette dâte. Au cours de mon séjour, j’avais caressé l’idée d’entrer en contact avec le directeur, mais suite aux propos du responsable de la mairie, j’ai changé d’avis. Je dois aussi faire remarquer que le maire de Lascahobas me parait assez dynamique, très ouvert au dialogue, aux discussions. Je crois que ODL doit garder le contact et travailler avec lui. Il m’a présenté des projets qui ont beaucoup à voir avec la vision de l’organisation : la mise en place d’un système pour la promotion de l’hygiène ou de la santé publique, la construction d’un marché communal moderne, mettre fin aux travaux de clôture du cimetière, les travaux d’aménagement de notre vieux terrain de foot-ball.


SD- Il est un fait que, dans la plupart des sociétés modernes, on accorde la priorité aux productions matérielles; au détriment du développement de l’humain. Comment est la jeunesse lascahobassienne? Comment va la vie en termes de ressources humaines?

CT- Mon cher, si nous cherchons à comparer les jeunes d’aujourd’hui à ceux de ma génération, nous découvrirons un monde de tritesse. De nos jours, on peut toujours observer une polarisation flagrante dans la jeunesse lascahobassienne. Ce phénomène, dans un certain sens, est très largement lié aux divergences politiques. Les jeunesses d’autrefois étaient pour l’actualisation des productions locales, le sens du respect mutuel, la capacité de conjuguer les énergies créatrices. Mais, maintenant c’est la victoire de la délinquance, de la méfiance, de la peur de l’autre et du mépris de la vie. Néanmoins, il y a le centre artistique SUNLIGHT qui se conduit de façon très salutaire, très exemplaire avec des jeunes qui oeuvrent dans la peinture, la musique, la couture et l’art de cuisiner. Ce centre est dirigé par Mr Luckner Alcin un personnage vraiment appréciable. Du reste, j’ai des tableaux de ces jeunes avec moi à la maison, s’il y a des lascahobassiens qui aimeraient supporter, on pourra me contacter, on sera plu à un prix raisonnable. Pour en revenir au "main menu" , je dirais que nous avons beaucoup à faire pour redresser notre jeunesse . Nous devons encourager la pratique du sport pour l’épanouissement de nos adolescents , c’est on ne peut plus intéressant.


SD- Votre description nous parait très honnête, permet une représentation de la situation. Où est- ce qu’on peut situer la responsabilité familiale, aujourd’hui , à Lascahobas?

CT- (Eclats de rires...) C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Car, je n’étais dans la ville que pendant trois jours, donc je ne pouvais pas tout observer. En tout cas, un coup d’oeil sur la situation haitienne globale peut bien nous donner des clues sur certains cas à Lascahobas.


SD- Après toutes vos expériences de femme publique, n’avez - vous pas l’ambition de vous lancer dans une carrière politique?

CT- (Sourire léger...) Bien sûr, je m’attendais à cette question, et la réponse, c’est non! Nombreux sont les collègues qui m’encouragent dans cette voie, mais je pense que je serai plus effective, si je continue à opérer en dehors d’un engagement politique. La majeure partie de mes collaborateurs veulent que je porte mon intérêt au District 45 , mais j’ai décliné..Mon emploi du temps pour ma liberté de mouvement, me rendra, je pense, plus efficace.


SD- Quels sont les projets de l’ODL pour la NOEL 2007 ?

CT- Très évidemment, nous travaillons sur les possibilités d’un programme qui pourrait se tenir le quinze Décembre. La communauté en sera informée. Ensuite, nous réfléchissons sérieusement sur les élections, car l’organisation doit reprendre ses vrais rails. Le comité provisoire va avoir un an, donc nous devons changer les modalités d’opération.Je ne pense pas que nous ayons assez de temps pour ces élections, avant la fin de l’année, toutefois nous devons y penser.


SD-Quel est le dernier mot, Carolle?
CT- J’aimerais inviter mes compatriotes lascahobassiens à venir autour de la table pour dialoguer au profit de Lascahobas. Il est temps que nous divorcions d’avec l’idée de former des groupuscules diviseurs.Nous devons faire de Lascahobas notre dénominateur commun pour notre propre avancement comme collectivité humaine. l’organisation a besoin des idées de tout le monde pour mieux gravir l’escalier du succês.

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