L’amateurisme et la comédie
Par Jean-Rony MonestimeL’amateurisme et la comédie sont malheureusement les deux isotopes qui occupent le noyau politique haïtien, depuis la nuit de l’indépendance. Les gouvernements amateurs se succèdent dans une discrétion à peine croyable et blessent le bien-être, alors que ceux des comédiens révoltent toujours des paisibles citoyens dans une atmosphère caniculaire.
Aujourd’hui encore, le peuple se trouve en interaction avec l’un de ces deux prototypes. Cette fois, ce régime défie même la futurologie car aucun prophète ne peut prédire une issue.
Le pays continue d’être verrouillé par ces deux types de gouvernements par ce que nous sommes un peuple qui croit dans la providence et le miracle. Dans les rangs de nos gouvernants comédiens, l’histoire nous a retracés les méandres de quelques uns. Néanmoins, nous n’avons rien appris et nous avons trouvé toujours un piteux prétexte pour pardonner le coupable volontiers. Le comédien Élie Lescot nous a conduits au mouvement de 1946, à l’opposé on parle de sa pauvreté pour prouver sa sainteté; Jean-Claude Duvalier nous a laissé une hécatombe, on dit qu’il était nourrisson; Henry Namphy a profané le riz haïtien, on lui pardonne sous l’égide de l’alcoolisme. C’est-à- dire, ces chefs d’État qui méritaient la prison ont été honteusement médaillés par plus d’un et protégés par des protecteurs sans vergogne.
De nos gouvernants amateurs aucun n’a été non plus blâmé avec objectivité. L’amateurisme de Jean-Bertrand Aristide lui a causé son premier coup d’Etat et a détruit le sain rêve de 1990, on parle plutôt de son mysticisme et de son sacerdoce pour prouver son innocence ; René Préval s’est moqué du peuple, on lui a donné un second mandat et pour montrer sa bonhommie, on se réfère à son père, ancien ministre de Duvalier. À cet effet, Haïti demeure un pays qui maudit son destin et cherche l’espoir dans la désespérance.
Cet actuel gouvernement ne change pas la donne. Sweet Micky est descendu du ciel pollué et accompagné par des anges rebelles du royaume de la démagogie. Il vient de provoquer un brigandage politique dont on connaît le corollaire: profanation du savoir, humiliation des valeurs, campagne anti-intellectuelle, malédiction des autres pouvoirs, en particulier le législatif, sous-estimation de la Présidence Haïtienne, la promotion de l’immoralité, pour en faire une maigre citation. À ce stade, le pays affronte un spécimen qu’il n’a jamais connu avant. C’est un régime qui nous offre une première dame caporal et un fils lieutenant. Il peut nous procurer trois éditions de carnaval en un an, quand le peuple meurt de la sous-alimentation.
Cette descente dans l’abime augure les mêmes équations d’antan: des scenarios de révoltes en série, le séjour indéfini de la Minustah qui nous donnera une autre épidémie, le président empochera des millions et le peuple continue d’avaler les poussières poitrinaires. Hélas!
Notamment, l’arrivée de Sweet Micky inquiète des religieux dignes de noms. Il y a ceux qui s’interrogent sur le caractère blasphématoire de cette présidence. Un chanteur drogué efféminé à l’exponentiel qui se déguise en prostituée et sait répéter des propos amoraux a toute heure, se brigue la magistrature suprême d’une nation. Où est l’exemple? C’est qu’il se déroule sur la scène politique haïtienne un événement inouï et à craindre. Le pire, des hauts dignitaires du pays sont frappés d’une cécité honteuse et s’arrangent pour en tirer des miettes économiques. En effet, un Monseigneur bien connu réclame le retour du personnage nauséeux, Sweet Micky, dans celui de Michel Martelly pour mieux combattre les opposants. Quelle aberration!
D’autres observateurs se sont rendu compte du désarroi futurologue de cet événement historique quand des jeunes se posent de pertinentes questions: si Sweet Micky peut être président, pourquoi aller à l’école? Si un président peut maudire la mère d’un élu, dans quel pays vit-on? Cette autre dimension de cette misérable épopée n’est qu’un choc pour la postérité.
Au-delà toute partialité, l’élection de Sweet Micky nous est un mauvais oracle. Elle est le synonyme d’un malheur générationnel que même la génétique se révélera cancre. C’est une névralgie contre toute matière grise. Une punition du destin. En d’autres termes, une plaie.