Gourmet Litteraire
Un tigre ne s’interroge pas sur sa tigritude, il bondit sur sa proie.
Wole Soyinka
Gourmet Litteraire
Je viens de découvrir ce texte d'un auteur haitien sur la Négritude. A mon humble avis, c'est un morceau fort intéressant tant par sa qualité littéraire que la profondeur et l'originalité des idées. Alors, je me fais le plaisir de le partager avec vous (Yolette Dubuisson).
Si ma peau devrait être d’une couleur, j’aimerais bien qu’elle soit de celle de ma conscience. Je ne détesterais pas que je sois la résultante raciale de tous les possibles mariages de couleur pourvu que mon épiderme épouse le coloris de ma conscience, ma conscience sans couleur, ma conscience qui me parle sans répit et qui me confie qu’elle n’est ni blanche ni noire. Sans couleur, ma conscience est incapable de penser en nègre ou en blanc. Consciencieusement, je ne me loge à aucune enseigne de race.
Suis-je un nègre maudit et dénaturé qui ne sait pas ce qu’il est, non plus je ne veux savoir ce que je suis si je dois me rendre à l’évidence que je suis un nègre de belle instruction et de fine culture qui en tire un triomphe et une gloire parce qu’un nègre serait génétiquement voué à être inculte, comme le croient malheureusement beaucoup de nègres. Je voudrais me perdre dans les profondeurs sans salut de ma négrité plutôt que de me retrouver dans la rhétorique ronflante et la philosophie vidée du Noirisme. Mes pieds de déraciné sans identité précise s’ajustent mal dans les chaussures trop étroites du Noirisme qui m’écorchent les petits doigts. Mes cors me font d’autant plus mal que les éminents médecins de la Négritude ne m’ont invariablement prescrit qu’une fausse thérapeutique.
Sans doute, je me rendrais odieusement coupable de vandaliser et de ne pas laisser intactes pour la postérité les mirifiques pages d’histoire illuminées par le génie de Dessalines, l’héroïsme et la sagacité de Tubman, l’âme d’airain de Mandela, la sagesse du docteur King, l’intrépidité de Malcolm X; mais je n’ai pas à célébrer le mois de l’Histoire des Noirs, je n’ai pas à créer du tapage tout au long de février, rien que pour faire le paon, rien que pour solliciter l’attention des autres races sur la valeur et l’utilité de la mienne. Les belles références que sont Toussaint, Nkrumah, Douglass, Lumumba, appartiennent moins à la race noire qu’à l’humanité toute entière. Il est de bon ton que le mois de l’Histoire des Blancs manque au calendrier parce que les légendes blanches comme un Joe Slovo, un Fidel Castro, ou un John Brown, appartiennent moins à la race blanche qu’à l’humanité toute entière. Je refuse de perdre mon temps à m’éduquer et à afficher un digne comportement en société dans l’unique dessein de servir d’élément d’illustration aux théoriciens des valeurs et potentialités noires. Mon temps serait mieux mis en valeur à chercher à comprendre pourquoi la légende officielle diabolise la cause des Panthères Noires en même temps qu’elle élève Jackie Robinson sur un socle de vénération, chercher à comprendre pourquoi Mandela eut à partager son Nobel avec de Klerk et que, un tout petit peu encore, ce serait avec Botha.
Je veux demeurer obstinément sourd à “L’Appel Final” de La Nation de l’Islam lancé au coeur de Harlem, sourd aux longues trompettes assourdissantes de la Renaissance de Harlem, sourd à toute option défaitiste claironnant un retour physique et définitif en Afrique ancestrale. Le nègre de mon sang et de ma couleur qui accueille le message et fait sienne la nécessité d’effectuer le voyage en sens inverse, (certainement dans de moins mauvaises conditions que ses pauvres ancêtres), il est libre de mettre la voile. D’ailleurs, libre de se mouvoir vers ailleurs, ce n’est plus l’esclave d’hier à proprement parler. Il a au moins un pied désenchaîné pour traîner après lui ses lourdes valises croulant sous le poids de cinq siècles de discrimination raciale: fruit de cinq siècles de cohabitation raciale. Et puis, une fois qu’il aura dit adieu à la terre qui l’a vu naître, il ne sera plus qu’un nègre «civilisé» promu colon, bien formé à l’école du maître, un nègre bien “blanchi”, donc doté de toutes les vertus cardinales, ayant toutes les potentialités, conféré de tous les droits, pour aller ériger aux portes de l’Afrique les frontières d’un Libéria assis sur l’exploitation du nègre par le nègre, ce même fuyard de nègre qui en aurait eu assez de l’exploitation du nègre par le blanc.
Mon congénère nègre est encore libre de s’en aller, libre d’aller jouer à l’intellectuel nostalgique conscient de ses racines raciales ou d’aller draper de mille Liberia inconscients le corps meurtri et douloureux de la vieille Afrique fatiguée, mais mon vieux frère nègre africain «rentré au bercail» pourrait toujours m’espérer au son du tam-tam aux portes du Dahomey qu’il ne me verra jamais arriver.
Il est vrai que je suis descendant de Noirs transportés dans le Nouveau Monde, mais moi je suis né sur un continent qui est intégralement mien. Je suis né sur une terre piratée, investie, envahie, non pas en mon nom, certes, non pas pour mon bien-être, c’est encore vrai, mais c’est là que je suis né. Il relèverait d’une manifestation de mauvais aloi que de verser dans le folklorisme en me rebaptisant, en m’affublant d’un afronyme, en languissant de nostalgie sur une “alma mater” que je ne connais pas et qui ne me connaît pas. Fuir l’Amérique, m’engager sur un chemin sans retour vers l’Afrique, ou pour y renaître ou pour y mourir, équivaudrait à une dérobade à mon obligation de lutter pour conquérir droit de cité sur le continent où un déterminant historique a bien voulu me forger une existence. Est-il vrai que je n’y suis pas encore né, mais j’y reste.
Ne sais-je vraiment pas ce que je suis, je sais que je ne suis pas un antillais déraciné de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Gabon, du Congo ou du Mali, africain authentique déporté dans la cale d’un Négrier, qui caresse sans cesse le voeu de retourner à son alma mater et qui demeure toujours sur les lieux de fielleux souvenirs où il a été vendu comme esclave. Ne sais-je pas que je ne suis pas le déveinard de l’Afrique blanche qu’on aurait embarqué par erreur; je sais que je ne suis pas un sous-européen gratifié de trois ou quatre gouttes de sang breton, infériorisé et maltraité, inutile à lui-même, qui s’en remet infiniment aux dieux sourds de ses affiliations utérines pour le délivrer de son lamentable sort réglé par le racisme blanc. Rose-Marie Desruisseaux écrit dans La Rencontre des Trois Mondes: “Je suis le produit de trois cultures”. Madame sait déjà alors ce que nous sommes, elle et moi, mais je me permets de renchérir que nous sommes la symbiose de trois couleurs. Je ne suis ni africain authentique par tradition, ni sous-européen par insuffisance de sang bleu, ni amérindien par atavisme, ni rien: je suis le simple produit d’un mélange ethnique complexe sinon indéfinissable mais jusqu’ici indéfini.
En tout état de cause, l’africain authentique que je ne suis pas sait penser, parler, rire, chanter, danser, pleurer et rêver en nègre. Un tenace héritage nègre incrusté aux chaumes de ma naissance m’a poursuivi à mon insu le jour où je me suis fait à l’idée de partir loin des champs brûlés de la tradition figée pour interroger le vent qui se déplace sans cesse, qui a beaucoup vu et qui saurait tout sur mon identité raciale. Mais le vent sans race, qui ne fait que survoler la question des races, m’a envoyé dinguer dans les profondeurs des courants houleux de ma curiosité. Je serais condamné à une noyade certaine si heureusement mon fidèle héritage nègre n’avait pas su y repérer mes cheveux noirs et crépus de nègre. Il m’a sauvé du danger et m’a ramené au même endroit: à la case-départ qu’en principe je n’avais jamais quittée. Depuis, mon héritage nègre et moi avons scellé le pacte éternel d’une belle amitié. Je me devais de me l’attacher, de le cultiver pour que je ne sois pas isolé, pour que je ne sois pas un sans-repère dans un monde racialement polarisé, pour que j’aie au moins de quoi me réclamer dans la tourmente infinie du conflit des races. Ainsi acculé, je me réclame logiquement de mon héritage nègre et ce n’est là ni plus ni moins que l’aspect sentimental de la situation.
L’excellent discours de l’érudit de la Négritude -discours creux, vain, ennuyeux, équivoque, scabreux et intellectualiste à dessein- ne m’a pratiquement rien appris sur ma racialité sinon j’ai certains ancêtres aux cordons ombilicaux coupés et inhumés dans une Guinée lointaine et inconnue, et que je me dois d’apprécier leur couleur et de considérer les valeurs culturelles de cette couleur comme une source de fierté raciale.
Fierté raciale?… Nous y voilà!
La Renaissance de Harlem a connu ses heures de gloire et de fierté. Environ un siècle plus tard, le “nègre nouveau” qu’elle s’est donné pour but de façonner tire toute sa fierté de l’élection du premier maire noir, du premier sénateur noir, du premier juge noir, du premier gouverneur noir. Malmené par ce désir impossible de se retrouver, ce «nègre nouveau» se perd finalement dans l’euphorie pour la nomination du premier ministre noir, du premier ambassadeur noir, du premier général noir, du premier noir dans la galerie d’honneur, premier doyen noir, premier ceci noir, premier cela noir, au point que par faim inassouvie de fierté et pour comble de ridicule il a fini par voir en un Blanc le premier président noir. Dans l’optique de tels acquis, il ne lui reste plus que son Dieu noir à avoir. C’est le cas de soutenir sans réserve aucune qu’il n’a pas encore atteint le sommet de sa fierté, mais bien le sommet du pathétique.
La Négritude brandit-elle l’étendard de la fierté raciale dans la louable intention de galvaniser l’énergie du nègre, agite-t-on cette fierté raciale comme un stimulus pour porter le nègre à prendre conscience de son humanité, à se débarrasser de son complexe d’infériorité, héritage de la colonisation, pour l’inviter à prendre en main sa propre destinée qu’il orienterait enfin de manière positive, c’est admettre implicitement que le nègre appartient à une race qui patauge encore dans son état d’homo erectus. Alors, quid de dignité et de fierté? La contradiction est là. Monstrueuse est-elle, cette contradiction qui est le cheval de bataille de certains idéologues noiristes. De fierté raciale, on s’en gausse, on en parle, on en sonne le cor…
En outre, fierté raciale en face de qui?
Si le racisme blanc aime insinuer que c’est le caucassien qui, dû à sa naturelle intelligence de race supérieure et inégalée, a créé l’âge nouveau caractérisé par l’invention de cette roue et de cette charrue qui ont libéré l’humanité des arêtes de la Préhistoire, toutefois la révélation des valeurs noires de l’Afrique surnommée le berceau de la civilisation n’a pas été l’oeuvre exclusive de chercheurs noirs. Il n’y a pas qu’eux qui ont révélé ces valeurs, les ont étudiées, appréciées et établi le degré de leur apport dans l’équation de la civilisation. Malgré tout, de Harlem à Dakar, de Kingston à Pretoria, de Fort-de-France à Libreville, en passant par Port-au-Prince, on embouche les trompettes de la fierté raciale, on mobilise d’importantes ressources intellectuelles et financières pour faire connaître à tout le monde ce que tout le monde connaît déjà.
Refusant de reconnaître la percée de la première République Noire, libre et indépendante, le farouche esclavagiste Jefferson, proclamé l’Apôtre de la Liberté par ses descendants, (liberté blanche bien sûr, fait qu’à notre connaissance on a toujours omis de préciser), ne trahit-il pas par là sa crainte des valeurs humaines incontestables du Noir? Valeurs qui, positivement canalisées, conduiraient à l’émergence d’un vrai apôtre de la liberté. En supportant les luttes de libération des colonies espagnoles d’Amérique du Sud tout en leur fournissant de l’assistance, Dessalines et Pétion étaient, du juste avis de Jefferson, de dangereux prosélytes à craindre. Ces nègres haïtiens, habités par leur idée anti-esclavagiste arrêtée, finiraient par exporter leur damnée révolution jusqu’aux champs de coton de la Virginie et s’imposer comme les vrais champions de la liberté. La liberté universelle, pour mieux dire. Selon «l’Apôtre de la Liberté», il fallait mettre l’Haïti libre et indépendante, mais nègre et noire, au ban des nations; lui refuser toute reconnaissance diplomatique. C’est dans le contexte même de la philosophie raciste et esclavagiste de Jefferson qu’Haiti se sera vu léser de son siège légitime à la conférence panaméricaine. C’est également à la lumière de l’héritage jeffersonien qu’il faudrait comprendre l’engagement des Etats-Unis d’Amérique dans la Deuxième Guerre Mondiale. Alors que la Grande Démocratie Etoilée crut devoir voler au secours de l’Europe, devoir sauver l’ancient continent de la peste nazie, au nom des libertés humaines, les Noirs des Etats-Unis d’Amérique étaient relégués au stade de sous-hommes, essuyant au Pays de la Liberté même la férocité d’un racisme blanc farouche et intransigeant. Alors? Qui libère qui?… On ne libère pas ce dont on a peur. Et on n’a pas peur de qui ne vaut rien.
En passant, il convient de signaler que si notre âme de nègre doit être le foyer d’une certaine fierté raciale alors que notre condition de race est des plus lamentables, il se peut que nous soyons malchanceux, il se peut que la race noire soit la plus malchanceuse de toutes les races de la terre. Oui, malchanceuse selon la logique d’un sénateur haïtien, grand intellectuel devant l’Eternel, qui ne trouve rien de mieux en tant que projet-loi à soumettre au Grand Corps que celui de changer le nom de son pays en “Christophia”, parce que, argumente-t-il très savamment, l’appellation “Haïti” nous porte malheur et se trouve à l’origine de tous nos maux. D’un tel accroc infligé à la dialectique la plus élémentaire, il reviendrait à déduire par enchaînement que nous ferions mieux aussi de changer de couleur parce que la couleur noire en soi nous serait fatale. La proposition de l’honorable et brillant sénateur serait moins aberrante et absurde qu’on ne changerait pas de couleur en s’accrochant à la fierté. Ainsi ne doit-on pas malgré soi continuer à subir sa damnée couleur dans le but de préserver le capital de fierté cultivée jusqu’ici au nom des valeurs à crier à tort et à travers.
Dans quel labyrinthe impénétrable, sur quelle planète inconnue, stagneraient les valeurs noires tant humaines et culturelles que civilisatrices pour qu’elles soient inconnues de quiconque, ces valeurs qui n’ont toujours été que des secrets de polichinelle? La Négritude elle-même est tout bonnement incapable de fournir une réponse à la question.
Enlisée à l’intérieur de son étroite sphère monothématique de fierté raciale, thème dont à l’expertise semblent se limiter sa vision et se résumer sa mission, la Négritude n’a effectivement entrepris rien de concret en faveur de la cause qu’elle prétend défendre.
Si l’ANC était un mouvement littéraire politiquement amorphe, il est quasiment certain que le monde résonnerait encore de l’écho des cris des suppliciés de Johannesburg parce qu’ils ont osé être Noirs. Si le Noir américain porte aux pieds une chaîne moins serrée que celle des sauvages décennies cinquante et soixante, il le doit surtout au travail de titan réalisé par le Southern Baptist Leadership Conference. Evidemment, ni Mandela ni King ne s’est fourvoyé dans les forêts opaques de la Négritude. Ni l’un ni l’autre n’a lancé sa lutte du ponton du faux concept de “sous-humanité noire” dont il faut que le nègre s’affranchisse d’abord et qu’inévitablement en conséquence l’oppression, l’aliénation, la mise au rancart, disparaîtront comme par un coup de balai magique.
Aussi, doit-on se demander en toute pertinence, est-ce qu’il suffirait d’un simple travail d’auto-affranchissement mental de la part du Noir pour exercer une impression favorable sur la conscience blanche? Rien n’est moins sûr. Le martyr de l’Apartheid et le sacrifié de Memphis revendiquent d’emblée la reconnaissance de l’humanité noire qui est une réalité intrinsèquement liée au phénomène même de l’existence du Noir. Leur approche ne consiste pas à mobiliser autour de la défense de l’honneur noir menacé par quiconque, vu que l’honneur réside dans l’impalpabilité de l’âme, vu qu’il n’est pas saisissable et ne peut être enlevé comme on dérobe une patate.
Tout compte fait, le mouvement de la Négritude se place aux antipodes du dynamisme de docteur King. Sa désespérante passivité va à l’encontre de la conviction et la détermination de Mandela qui, comme Fanon pour le colonialisme, aurait pu affirmer que le racisme “n’est pas une machine à penser, ce n’est pas un corps doué de raison, c’est la violence à l’état de nature et ne peut s’incliner que devant une plus forte violence”.
S’enfermant dans une vision rigide et mécanique de la problématique noire, la Négritude croit pouvoir gérer les conséquences et suggérer des solutions tout en planant au delà des causes qui ont provoqué l’animalisation de l’âme noire. Etant donné que la Négritude n’ose pas toucher la plaie du doigt, c’est à penser que la colonisation n’était qu’un mauvais rêve, c’est à penser que l’impact négatif que ce cauchemar a imprimé au psychique du colonisé est une fausse réalité. La Négritude s’avise de faire appel à la conscience noire pour que celle-ci se travaille en vue de se mettre à la hauteur de la civilisation blanche. Mais quelle conscience noire surtout? Une conscience encore étourdie sous les coups de boutoir impitoyables de la colonisation, une conscience émiettée dont les lambeaux sont emprisonnés dans des tiroirs tirés à l’inique dimension d’un racisme farouche et intransigeant, une conscience endormie qu’est seule susceptible de tirer de sa léthargie une brutale identification des causes fondamentales de sa déchéance. Est-il par contre que la Négritude persiste à prêcher dans le désert en s’adressant à une conscience noire qui n’est même pas à sa portée. En toute logique, c’est plus mystifier la conscience noire que l’aider à se dégager de sa torpeur si, en guise de levier de premier et de dernier mouvement, on n’a pas mieux à lui offrir que cette théorie pratiquement creuse: “se travailler à se mettre à la hauteur de la civilisation blanche”.
Entre civilisation matérielle et civilisation humaine, laquelle de deux prêche la Négritude? Les deux peut-être? Dans le premier cas, la race noire traîne loin derrière la race blanche sa condition quasi-primitive, tout en concédant, bien sûr, qu’elle n’avait pas eu le temps et les moyens de découvrir et d’exploiter ses ressources naturelles à ses propres avantages qu’elle en a été délestée. Dans le second cas, c’est le cas de d’affirmer tout simplement que la Négritude admet en son for intérieur, comme une irréfutable vérité, la notion de son infériorité raciale qu’on lui a inculquée à l’école du Blanc. Elle y croit dur comme fer. Ce qu’elle fait semblant de n’avoir pas compris, c’est que toutes les races n’ont pas toujours été civilisées, que toutes les races ont vécu leur ère de cannibalisme, que anthropophagie, sauvagerie et barbarie marquent le passé de toutes les races, de tous les peuples.
La colonisation n’était pas un simple exercice d’exploration anthropologique. Mis à part Césaire qui en fait un procès assez pertinent dans son “Discours sur le Colonialisme”, bon nombre de négritudiens, Senghor par exemple –on ne sait pour quels motifs inavouables- adressent le problème à la tangente. Mais vue à angle droit, la colonisation, avec l’esclavage pour corollaire, est la manifestation d’une négrophobie dans toutes ses bassesses et laideurs, elle est une entreprise arrêtée de dépouillement et de déshumanisation systématiques, elle est l’asservissement illégitime et inhumain d’une race par une autre, un crime hideux de haine gratuite sans circonstances atténuantes qui mérite d’être sévèrement condamné et pour lequel, vu les dégâts considérables qui en ont résulté, le colonisateur truand doit être sommé à investir sans conditions dans la réhabilitation matérielle et mentale du colonisé volé, étiolé, abruti et abêti.
Jean-Paul Sartre le Blanc a l’honnêteté et le courage d’endosser la culpabilité au nom de sa race: “Vous savez bien que nous sommes des exploiteurs, que nous avons pris l’or et…” Tandis que Sartre place ses congénères directement face à leurs responsabilités historiques, le clerc de la Négritude garde par contraste un profil bas. Il ne peut pas ou il ne veut pas s’engager à articuler sa doctrine dans le sens de la réclamation même d’un mea culpa qui servirait de levier moral dans l’urgent processus de la réhabilitation noire. La Négritude s’est même laissé damer le pion par le Vatican, le Parlement français et l’ex-président Clinton qui ont fait amende honorable de leur propre gré. Là où le bât blesse, la Négritude rend tacitement le Noir lui-même responsable de sa triste condition et que ce serait à lui de consentir des efforts surhumains afin de s’en sortir. Là alors, il convient de considérer de deux choses l’une: ou le Noir est un masochiste-né ou il est un saint au coeur pur. Or, il n’est ni l’un ni l’autre. Il n’est surtout pas d’une sous-espèce irrécupérable, contrairement à ce qu’énonce la vieille boutade. Depuis la Guinée le Noir trahissait les siens, répète-t-on à satiété. Pourtant, ce n’est pas le Noir qui est méchant envers le Noir: c’est l’homme qui a toujours été un loup pour l’homme. L’inhumanité noire n’est pas authentiquement liée à la nature innée du Noir, comme l’enseignent à vous couper le souffle certains académiciens. Catherine Clément se croit devoir faire le devoir de constater: “L’Europe -hélas- déportait les Noirs. Mais qui les vendait? Des Africains, hélas!”. Est-il malgré tout que l’inclination au crime de trahison n’est malheureusement pas l’apanage exclusif d’une race. C’est un phénomène essentiellement humain qui dépasse le contexte des races. Chaque race indistinctement a donné naissance à ses traîtres, ses voyous, ses délinquants, ses mauvais larrons...
A titre d’illustration, Jean-Baptiste Conzé est pour Haïti ce que Benedict Arnold est aux Etats-Unis d’Amérique. Staline, Hitler, Pinochet, Mobutu, Duvalier, étaient tous des mangeurs d’hommes. Al Capone aurait pu être Noir tout en étant le gangster qu’il était. Le tyran François Duvalier exposait publiquement les cadavres de ses victimes de même que les lyncheurs du Ku Klux Klan laissaient balancer les leurs aux branches des arbres. Même sadisme, même cynique cruauté, même goût du morbide, même goût du sensationnel macabre.
Les Noirs sont à la longue accusés d’être naturellement méchants, d’être des traîtres envers leurs pairs, comme si les Blancs et les Jaunes ne savaient pas s’entre-déchirer et s’entretuer. En outre, il relève d’une aberrante absurdité de prétendre qu’il n’y aurait pas eu ce phénomène inhumain de vente d’Africains si l’Afrique elle-même ne l’avait pas voulu.
A ce point, une question s’impose et se doit d’être formulée. Lequel est le plus à blâmer: l’Africain qui vend son congénère ou l’Européen qui l’achète pour le chosifier et le réduire à l’état de bête de somme? Si l’Européen évolué et civilisé, initiateur de l’influente et respectable littérature des Lumières, fier proclamateur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, imbu de la nature sacrée des droits et de la liberté humains, avait eu la décence et l’humanité de laisser pourrir la marchandise entre les mains de son propriétaire, il y aurait probablement eu l’esclavage du Noir par le Noir comme il y a eu l’esclavage du Blanc par le Blanc. A la lumière de toutes ces considérations, n’est-il pas à déduire que si le Noir est coupable de quoi que ce soit, ce n’est nullement en tant que Noir, mais seulement et seulement en tant qu’homme. Trop d’idéologues ont tendance à chercher dans une couleur les raisons de certaines inconduites.
Rendue toute et tout à sa vision étriquée de “sous-humanité noire”, la Négritude a fait fausse route et n’a réussi rien de probant. Elle a échoué auprès des Noirs du Nouveau-Monde, elle a échoué même auprès des nègres du continent noir dont les seuls ancêtres sont des nègres du continent noir…
Un condisciple, africain à cent pour cent, incontestable arrière-petit-fils du Bois d’Ebène, que j’ai rencontré sur un des campus de l’Université de la Ville de New-York, avec lequel j’ai eu des débats personnels, et pas toujours amicaux, sur la Négritude, croyait un jour m’offenser en me jetant hautainement à la face: “Je n’ai pas été esclave, moi. Je ne suis pas venu en Amérique dans la cale d’un Négrier. La Négritude, c’est votre affaire et celle des vôtres. Débrouillez-vous avec. Je n’ai même pas ma solidarité à vous offrir”. Ciel! me suis-je dit, quelle manifestation de grotesque préjugé de la part d’un solide crétin! Je fus tombé d’une inimaginable altitude des nues. Plat à terre, j’en eus le souffle coupé.
Pour mon camarade, le fait qu’il a traversé l’Atlantique en Air Afrique ou en Concorde lui confère une nette supériorité sur les descendants des infortunés qu’on a condamnés à l’enfer des colonies. Et notez bien qu’il n’a pas fait voile sur l’océan, mon camarade! Il prend toujours le soin de préciser qu’il l’a survolé. De son altitude grisante d’Africain supérieur, il aurait jeté par le hublot un regard indifférent sur un Négrier naufragé qui aurait perdu tout espoir d’être remorqué après cinq longs siècles d’attente, il aurait remarqué et identifié un tibia d’africain coincé entre les parois d’une coque en bois parmi les algues et il se serait sans doute confirmé que ce n’était pas celui de l’un des siens parce qu’il est trop sûr de son indiscutable vérité: il ne descend pas de la lignée directe ou indirecte de certains damnés qui ont fait partie de l’infâme voyage. Voyage au bout de l’infamie, pour paraphraser correctement Sala-Molins.
Montesquieu le philosophe humaniste a beau prétendre que de certains climats résulte une race d’hommes naturellement nés pour être esclaves, mon camarade nègre africain croit que le vénéré auteur de “L’Esprit des Lois” ne fait pas allusion à lui, qu’il n’a pas été compris dans le pitoyable lot, qu’il n’a jamais été mon compagnon de bagne et que je dois me débrouiller seul avec mes séquelles d’ancien forçat. L’Histoire a beau rapporter que le pratiquant de la Traite n’établit aucune différence entre nègres quand il s’agit de fournir des bêtes de somme aux plantations coloniales du Nouveau-Monde, que ce ne sont pas des êtres d’un certain statut social ou tribal qu’on a voués à la géhenne esclavagiste, mais bien une race et qu’en outre se comptaient des monarques et des intellectuels africains parmi les cargaisons humaines destinées aux marchés d’esclaves des colonies, le bonhomme n’y voit qu’un conte et croit plus fermement qu’il n’y a jamais eu un dénominateur commun entre lui et l’esclave. D’après lui, il aurait fallu qu’il soit né en Haïti, à la Guadeloupe, à la Jamaïque ou en Guyane pour se sentir concerné par la Négritude.
En définitive, c’est là le bel envers des choses. C’est à la lumière de cette pénible et déplorable expérience que se comprend le désastre.
A ce constat, le néo-colonialisme français qui embrassa la Négritude littéraire de Senghor, en toute urgence politique, dans le but de consolider le tracé arbitraire des frontières du Sénégal, y établissant un bastion de sécurité en prévention à une menace communiste pressentie par Pompidou premier ministre, a encore du pain sur la planche. Il lui faut préparer un nouveau Senghor, et même plusieurs à la fois cette fois-ci. Faute de quoi, un beau jour, le tout Dakar complètement dénégrifié se réveillera au coeur du Quartier Latin, entraînant dans son sillage anti-négriste Yaoundé, Accra, Libreville, Ouagadougou, Rabat, Abidjan, Bangui et même Antananarivo rarement mentionnée, presqu’oubliée, la pauvre, se débattant sur son lit de douleurs sur l’Océan Indien, prise entre les flots de l’Islamisme traditionaliste et ceux de la Négritude, véritable miroir aux alouettes… En transit vers New-York ou au bout de leur pèlerinage anti-africain sous les néons civilisants de la Ville-Lumière, il faudra bien accorder à tous ces nègres une hospitalité due à des frères de race.
Il se peut qu’à propos on m’accuse de verser dans la généralité en m’appuyant sur un unique cas, on ne peut toutefois nier qu’un unique cas répertorié est susceptible de conduire à la découverte d’une épidémie. Et l’existence d’une telle épidémie ne serait donc pas le produit de mon imagination de romancier depuis qu’un compatriote ami revenant de deux universités belge et française m’a rapporté avoir vécu à Bruxelles et à Marseille une expérience similaire à la mienne.
A tout considérer jusqu’ici, l’expérience de la Négritude est celle d’une doctrine déviationniste, incertaine, vaporeuse et inconsistante. Elle est perdante sur son propre terrain de même qu’elle n’a jamais eu rien à gagner ailleurs, de même qu’elle n’a jamais eu rien à atteindre nulle part sinon ses objectifs inavoués.
Sur le plateau de la fierté raciale et de l’expression de l’honneur noir tant chéries par la Négritude, René Dépestre, en fils d’honneur de sa race et de ses dieux, a offert de tout coeur et en toute générosité un “Arc-en-ciel à l’Occident Chrétien”, mais c’était pour finalement se rendre à toutes les logiques de faire de fracassants adieux à la Négritude. Il en était grand temps parce que le compte à rebours pour la mise en veilleuse de la raison était bel et bien entamé chez le champion de “l’érotisme solaire” qui allait penser “Alléluia pour une Femme-Jardin” avec ses hormones.
De son côté, Damas reconnaît que “trois fleuves, trois fleuves coulent, trois fleuves coulent dans mes veines”. C’est le cas de dire que contrairement à Césaire il n’est pas “nègre, nègre, nègre depuis le fond immémorial du ciel”. Et nostalgique pourtant, il se meurt de “retrouver ses poupées noires, revêtir une peau de sauvage”. Dans lequel cas, il n’est pas forcément à prétendre qu’il ait nié deux de ces trois fleuves. Mais depuis qu’il n’ait pu se garder de faire chorus avec Césaire et Senghor pour promouvoir la Négritude à grands coups de bambou noir, depuis qu’il n’ait pu se retenir de s’installer confortablement à dos d’âne sur la Négritude qui passe pour être l’expression d’une réclamation exclusive de l’identité noire, c’est à n’y rien comprendre. Ou plutôt, on comprend de mieux en mieux que la revendication de l’auteur de “Pigments” n’a qu’une portée purement poétique, purement artistique. A la boussole de son art, le Guyanais s’est mis à chercher l’Afrique là où elle n’est pas et ne pas la retrouver là où elle se trouve, comme Césaire qui la recherche dans le surréalisme de “Cahier d’un Retour au Pays Natal”, comme Senghor qui la retrouve dans l’encensement et la communion de la France dans sa poésie en “Hosties Noires”:
“Seigneur,
Parmi les nations blanches,
Place à la France
A la droite du Père”.
Libre à Monsieur Senghor de recommander qui il veut à la droite du Père. Mais en toute pertinence, on ne peut s’empêcher de se demander: quelle France! S’il existe une autre France, une sainte France d’Europe, une pure France, immaculée, innocente, digne de béatification, digne de canonisation, elle n’est à localiser que sur le globe de l’imagination du poète. Celle qui existe en réalité est une France pécheresse. Personne ne l’accuse, sinon son indigne passé colonialiste même. Un tel passé confirme que c’est une France cambrioleuse, sanguinaire, déprédatrice, inhumaine, scélérate et pis: non-repentante. Mieux: une France hypocrite. Jugeons-en. Selon l’hebdomadaire français Le Canard Enchaîné, le président Jacques Chirac eut à dire au sommet franco-africain de l’année 2001:
“…à propos de l’Afrique, il faut commencer par réfléchir tout en sollicitant notre mémoire. Nous avons commencé par saigner ce continent pendant quatre siècles et demi avec la traite des Noirs. Ensuite nous avons découvert ses matières premières et nous les avons saisies. Après avoir dépossédé les Africains de leurs richesses, nous les avons envoyé nos élites qui ont évacué la totalité de leurs cultures. Aujourd’hui nous les délestons de leurs cerveaux grâce aux bourses d’études, qui constituent en définitive une autre forme d’exploitation, car les étudiants les plus brillants ne rentrent pas chez eux.”.
A prendre connaissance des vers de Senghor cités plus haut, on dirait que la mise en coupe réglée du Sénégal était une longue messe de béatitude où les colons français faisaient office d’enfants de choeur. Ce qui ne laisse aucun doute, c’est que le Sénégalais a hypothéqué ses convictions africanistes contre la gloire vers laquelle l’Elysée l’a aidé à se propulser pour se retrouver en contradiction flagrante avec la non-assimilation culturelle qu’il a jadis formulé dans “L’Etudiant Noir”. Le prétexte: la Francophonie.
Senghor prétend: “Pour nous, la Francophonie est culture. C’est une mode de pensée et d’action: une certaine manière de poser les problèmes et d’en chercher les solutions”.
Et puis, quoi? Déclaration pour le moins équivoque. Paroles vides de sens. De la pure rhétorique. Rien que des mots. Quand le père de la Négritude affirme ensuite que “la Francophonie n’est pas, comme d’aucuns le croient, une machine de guerre montée par l’impérialisme français”, il est suffisamment clair et précis dans son énoncé, mais il est loin d’être convaincant. Il est même maladroit pour avoir ainsi contribué à alimenter les susceptibilités. Il a raté une belle occasion de se taire et d’écouter attentivement François Mitterrand qui, quant à lui, déclare sans ambiguïté:
“La Francophonie est une communauté désireuse de compter ses forces pour affirmer ses ambitions”.
C’est sans conteste un très joli mouvement que la Francophonie: la tentative d’universaliser une très belle langue. Mais dans la mesure où la Francophonie laisse l’impression d’être un officine du Quai d’Orsay, dans la mesure où elle s’érige en impérialisme linguistique, où elle se sert du couvert de la langue dans le contexte plus facilement avouable de rapprochement des peuples francophones et d’échanges culturelles, alors que c’est dans le dessein de mieux asseoir sa domination néo-colonialiste, elle devient étouffante, arrogante, opprimante, aussi raidie, aussi vile, aussi coupable que l’impérialisme politique. Moins coupable en tout cas, s’il faut le lui concéder, que certains intellectuels francophones nègres qu’elle a définitivement cooptés et attachés à sa cause impérialiste. Coupables sont-ils, ces intellectuels francophones nègres bien tenus en laisse par les vrais maîtres de la Francophonie qui ont parfois la géniale idée de flatter leur ego en les attifant de médailles, de décorations et de rubans de chevalier de quelque ordre. Coupables sont-ils, ces intellectuels francophones nègres, pour s’être toujours prêtés à n’être que les singes du cirque, à faire le jeu d’un néo-colonialisme masqué, d’un racisme masqué.
Léopold Sedar Senghor, en fils d’honneur de sa race, est le premier Noir à être reçu à l’Académie Française, avec ses lettres de créance délivrées par son exceptionnelle intellectualité et, d’un point de vue moins théorique, par son immense talent d’homme de lettres exercé dans la pure expression de la Négritude. Autant penser que son élection s’inscrit dans le contexte de la reconnaissance de l’utilité universelle du mouvement dont il est le penseur d’élite et qu’il en était le représentant d’office dans l’auguste assemblée. Mais sa triste race, enlisée dans la boue millénaire de l’arriération, de l’analphabétisme, n’en a pratiquement rien tiré de positif. En effet, elle n’avait rien à tirer de la consécration d’un agent de l’impérialisme français, flèche africaine empoisonnée lancée contre le pauvre continent de l’arc anti-communiste de Pompidou, rien à tirer d’un politicien qui a trahi le principe de non-intégration du Bloc Démocratique Sénégalais et jeté en prison ses anciens compagnons de lutte pour plaire à ses tuteurs de Paris. A titre de chef d’Etat, il orientait l’Histoire de son pays depuis dix ans quand la Grande Famine à l’impact historique s’abattit sur le Sénégal. Certains de nos compatriotes se souviennent d’un jour de décembre 1970 où monsieur Senghor débarqua à Port-au-Prince sous le couvert d’une visite de courtoisie à la Première République nègre du monde. Alors que des progressistes crevaient comme des chiens à Fort-Dimanche, alors que des patriotes laissaient leurs vies comme des mouches dans les charniers de Titanyen, alors que des milliers et des milliers d’Haïtiens furent forcés de prendre le dur chemin de l’exil, le bon frère nègre solidaire détaché du Sénégal, au service exclusif du frère blanc, avait débarqué chez nous, avec dans ses bagages une caution morale destinée à un gouvernement despotique, généralement conspué, au faite de la décomposition. Pis, un régime sanguinaire de nègres qui broyait les enfants de la Négritude, ce régime dictatorial crucifieur de nègres qu’était celui de François Duvalier. Enfin, c’était blanc bonnet et bonnet blanc. Les Mamadou Dia étaient légion dans les geôles duvaliériennes.
Quant à Césaire, que cela soit mentionné en passant, il n’aurait raté le coche de la consécration que par les caprices de l’Histoire. Rien ne dit en effet que cet ancien membre du Parti Communiste Français n’aurait pas été le Senghor de la Martinique, en bon garant des intérêts impérialistes de l’Hexagone, si un des successifs mouvements indépendantistes de l’île avaient abouti. Et puis, vive le Nègre, vive la Négritude! Vive surtout…la France la mère-patrie!
Quand l’espèce humaine se sera libérée des arêtes de sa semi-animalité, quand elle aura atteint le point culminant de son évolution, il n’y aura plus de race, du moins il n’y en aura qu’une: la race humaine. Comme toute doctrine essentiellement raciale, la Négritude ne survivra pas à l’inexorable loi de la dynamique. Elle n’aura plus de raison d’être de même qu’elle aura failli de justifier sa raison d’avoir été. Faisant sienne une dose d’autocritique avec un brin d’honnêteté, la Négritude comprendra la nécessité de reléguer au musée des grands échecs historiques sa poésie et sa prose floues à vous flanquer un rhume de cerveau; bref, sa philosophie qui a mieux servi la “Blanchitude” quel n’importe quelle cause nègre.
La Négritude est un mythe à détruire. C’est un courant de pensée trop creuse, trop futile et trop désorientante qu’on a trop tendance à léguer comme un héritage de valeur aux générations futures.
Qu’à propos du “Cahier d’un Retour au Pays Natal” Sartre dise que c’est une manière de dégorger sa blancheur, que Breton admette que la parole de Césaire est belle comme l’oxygène naissant, toujours est-il que la littérature négritudienne est floue en termes de message et qu’il n’y a pas grand’chose à comprendre et à saisir. Tout compte fait, elle n’a que son côté esthétique pour se faire valoir. Côté transparence, elle se comprend aussi mal que se comprend un texte de Kafka, adressant un message tout aussi obscur de signification. Le penseur de la Négritude n’écrit pour personne. C’est dans ce contexte même de la non-transparence de l’écriture que Maryse Condé avoue que:
“La poésie de Césaire ne me révolutionna pas comme la prose transparente de Zobel l’avait fait quelques années plus tôt”.
En tant qu’un subtil instrument à la consolidation du néo-colonialisme, la Négritude n’est pas innocente. Elle ne sait pas rêver, la Négritude. Elle n’est pas née pour ça. Elle ne sommeille pas dans les fleurs mal-aimées de l’utopisme. Au cours du mouvement indigéniste haïtien sur lequel elle a exercé une influence extraordinaire, elle a égaré dans les jardins maudits du néant les rêves généreux d’une génération de progressistes promettants qui auront confondu “négritude” et “humanitude”, à tel point que le dynamique socialisme militant des années quarante a malencontreusement effectué un triste et regrettable tournant vers le noirisme sectariste aux vues étroites et improductives. La Négritude réactionnaire, écho à la Renaissance de Harlem, n’est qu’un mouvement littéraire, plus encline à démontrer l’acuité de pensée qu’un cerveau nègre peut atteindre. Pis, sa propre orientation l’accuse d’être un repère de narcissistes et d’ambitieux qui s’abaissent de manière éhontée à prostituer la cause noire, qui s’en servent comme tremplin pour s’élever à se faire accepter comme indigènes de service par les anciens maîtres.
Suis-je un nègre maudit et dénaturé qui ne sait pas toujours ce qu’il est, je sais par ailleurs qu’à l’étude la Négritude devrait s’appeler: Blancophilitude, Occidentude, Sado-Négrophobitude, Désassimilitude, Traîtritude, Pro-Impérialitude, Anti-Tiersmonditude, Opportunitude, Renégatude, Narcissitude, Néo-Colonialitude… et que sais-je encore!
Ne sais-je pas vraiment ce que je suis, je sais au moins que je suis de la Terre où triment des opprimés de toutes les couleurs, je sais surtout que je suis d’un pays qui s’appelle Haïti où se déroule le drame noir d’une nation de nègres désespérés, là où la Négritude a pourtant fait tache d’huile.
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