La France s'était-elle servie d'Haïti
A vec tambours et trompettes, TV5MONDE, annonça le 12 décembre 2008, que son programme documentaire Thalassa avait braqué ses caméras sur « un paradis perdu dans le sud d'Haïti : Les Abricots ». A l'heure dite, tous nos compatriotes avertis s'installèrent devant leur télé.
Abricot, un paradis! Je ne pouvais l'affubler de ce nom. Toutefois, ce fut un petit coin acceptable pour l'ensemble de l'île. Les animateurs avaient chanté et loué J.C. Fignolé, le présidentiable maire pour son courage et son désintéressement du pouvoir pour s'être installé dans ce bled perdu avec le vague espoir de ressusciter son fief agonisant, comme toute l'île d'ailleurs, pour en faire un exemple de renaissance en guise de référence à un peuple abandonné de tous les dieux.
Les caméras se transportèrent ensuite à Port-au-Prince. Pas le P-au-P plus ou moins vivable, mais non! Elles décrochèrent la misère au flanc des bidonvilles affamés, mal fagotés et laissés pour compte : La saline, Cité-Soleil? etc. Enfin, le P-au-P qui brasse et mange la terre «Tuff », sous forme de galette de boue séchée. Ce fut une vision cauchemardesque à vous fendre l'âme.
Changement de vue, nous voilà au paradis des békés , la Martinique. Dans une explosion de couleurs chatoyantes, les autres Antilles, telles, la Guadeloupe et Saint-Martin s'étalèrent sous nos yeux comme un écrin d'émeraude avec, peut-être, l'intention de nous faire regretter la geste de 1804. Elles se révélèrent dans toute leur splendeur à l'envers du décor actuel de l'île de Dessalines.
Sceptique, connaissant le problème des mes frères de couleur dans ces DOM-TOM sous le giron de la France, j'ai refusé d'être intoxiqué en réfutant la fausse poésie de cette vision biaisée à l'avance. Ces infortunés peuplades, ayant raté leur rendez-vous avec l'histoire, étaient souvent considérés comme des citoyens de seconde classe dans ces paradis pour békés, leurs descendants et leurs invités. Mon petit doigt m'indiqua que ce détour vers Haïti, cette référence comparative, enrobée de sucre et soulignée au trait rouge, ne fut pas le fruit d'un hasard télévisuel, mais d'un marketing médiatique fallacieux destiné à attiédir l'ardeur de certains locaux en mal d'épanouissement.
A mon dernier voyage à la Martinique et à Saint-Martin en 2005, j'avais eu l'occasion de converser avec certains insulaires, surtout ceux « qui ne se pétaient pas les bretelles ». Leur découragement était palpable. Défaitiste à souhait, chômeur et dépendant de l'assistanat français, le paradis des békés n'est pas le leur. Il est loin de la frontière de leurs rêves.
En effet, depuis trois semaines, (février 2009), une certaine révolte gronde dans l'air et dérange l'habituelle quiétude de la Martinique et de la Guadeloupe. Toutes les revendications sont sur la table : sociales, économiques, raciales?etc. C'est la grève générale. Le sentiment anti-béké est palpable. Le peuple à genoux vient de se redresser et la minorité, toujours choyée des dieux, tremble. Des troupes d'élites de la Métropole sont appelées en renfort? etc. La France en a plein les bras.
Donc, je reviens à ma question titre : La France, par cette comparaison douteuse, avait-elle l'intention de mettre en garde ses gentils colorés, aux mains écorchées, pas trop pressés aujourd'hui de servir des békés ingrats et exploiteurs ou des métropolitains fatigués et friands de bonnes chairs comme jadis?
Voulait-elle leur répéter la célèbre phrase du « Père Turbateur »?, le jésuite qui accompagnait les premiers conquistadores, avant de planter sa croix sur la plage d'Hispaniola en 1492, dans le fameux monologue de l'humoriste Marc Favreau, alias «Sol», dans sa pièce, «L'univers est dans la pomme». ?..Saluant les indigènes effrayés qui se cachaient dans les feuillus, le Père Turbateur, debout, les bras croisés sur sa poitrine, leur déclara :
«Petits indigents, n'ayez pas peur, nous sommes venus pour votre bien » et tournant sa tête de côté, avec un rictus hypocrite, il continua « De toute façon, nous l'aurons».
Seuls les imbéciles laissent tomber inopinément leurs avantages sans grimper dans les rideaux. Les naïfs et les retardataires l'apprennent toujours à leurs dépens.
Pour vous en faire une idée, Voir les films :
Haiti, Paradis Perdu
{flv}les-abricots{/flv}
Les derniers maîtres de la Martinique De Romain Bolzinger.
{flv}Beke{/flv}