Quelques reflexions que
Quelques reflexions à propos du débat sur le créole.
Par Gérard Bissainthe
Que je dise tout de suite à Barbara que je préfererais que nous nous orientions non vers un bilinguisme, mais vers une fusion de nos deux langues locales: le créole créé par nous et le français conquis par nous et que nous avons commis l'erreur de momifier ou plutôt de laisser aux seuls Français, arcboutés sur l'Académie Française, le soin exclusif de la modifier, alors qu'il est un bien emporté avec nous lors de l'indépendance comme "un butin de guerre", ainsi que je le repète depuis longtemps. Nous devrions commencer par un retour à l'orthographe étymologique du créole, parce qu'elle souligne mieux l'étroite parenté de nos deux langues.
Un grand nombre de nos compariotes tombent dans l'erreur de s'attarder à une sorte d'observation contemplative et amoureuse du créole, sans étudier sa valeur comme outil de progrès et d'avancement intellectuel et professionnel.
Je suis fou du créole comme tout un chacun qui est né dedans et qui connaît au moins une bonne partie des trésors de cette caverne d'Ali Baba. Mais je ne vais pas en attendre ce qu'il ne peut donner.
S i Jean des Bidonvilles me demande de lui donner les moyens de se perfectionner dans une langue qui peut l'aider ou à combattre les handicaps qu'il porte comme un boulet du fait qu'il est né et vit dans un enfer, je ne vais pas lui donner ces moyens dans le créole que déjà il parle "tancou ratt". Je lui paierai, dans la mesure de mon possible, des leçons dans une langue qui donne facilement accès aux connaissances libératrices de la science, de la technique, des arts libéraux. Malheureusement mais en toute franchise ce n'est pas encore le cas pour le créole qui n'offre à personne encore la possibilité de devenir expert chimiste ou expert en mathématiques ou en physique nucléaire, par exemple. Soyons sérieux. Pour le moment Jean des Bidonvilles, s'il veut sortir de son pétrin, doit se lancer à corps perdu ou dans le français et/ou l'anglais et/ou l'espagnol et/ou l'allemand, et/ou n'importe quelle autre langue qui donne accès au savoir encyclopédique. Autrement il risque de rester à ramper dans les soubassements de notre société, pendant que les Francophones, les Anglophones, les Hispanophones, les Germanophones iront rafler tous les emplois importants et les mieux payés de notre société. Avec tous les handicaps et tous les désavantages accumulés depuis sa naissance par Jean des Bidonvilles, il est de son devoir de chercher à parler le français et/ou l'anglais et/ou l'espagnol et/ou l'allemand mille fois mieux que Jacques de la Bourgeoisie, s'il veut damer le pion à Jacques de la Bourgeoisie et ne pas être acculé à aller lui demander de temps en temps un petit job ou un petit "roulement".
Le créole est-il la langue de notre combat, sous-entendu de notre libération, comme l'écrit Yves Roy? Peut-être, mais seulement dans la mesure où le texte où Sonthonax annonce aux esclaves qu'ils sont libres, en leur mettant dans la main un fusil et en leur recommandant de ne jamais s'en séparer, est écrit en créole. Ce n'est toutefois pas le créole qui nous a libérés, mais le fusil.