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Tourne et vire


Tourne et vire,

la solution sera toujours souverainiste
par Gérard Bissainthe




Le Président Bush avait une fois posé la question suivante à propos des Etats-Unis: "Why do they hate us?" (Pourquoi ne nous aiment-ils pas?)
Les Haïtiens pourraient poser la même question, car, mes chers compatriotes, ne vous faites pas d'illusion, d'une manière générale dans le monde d’aujourd’hui d'aujourd'hui, on ne nous aime pas.


La principale raison de ce désamour ou de ce malamour, pour éviter de parler de haine, est souvent exprimée dans une toute petite phrase: “Haïti n’est plus la référence.”


J’avais, il y a déjà quelque temps, écrit un article auquel j’avais donné pour titre: “En ce temps-là Haïti était la référence”. Je le republierai bientôt.


Il y a un contraste frappant entre ce que nous étions pour le monde entier il y a environ un demi-siècle et ce que nous sommes devenus aujourd’hui. C’est un peu le jour et la nuit. Il y a un peu plus d’un demi-siècle, en 1956 par exemple, Haïti triomphait dans la Première Conférence tenue à la Sorbonne à Paris et qui réunissait la crème des Intellectuels et des Artistes du monde entier. Haiti avait le leadership du Monde Noir. Aujourd’hui le mot Haiti a une connotation profondément négative.


Que s’est-il passé? Je ne puis ici qu’aller à l’essentiel pour éviter de longs développements. Ma réponse à cette question peut se résumer en deux phrases: autrefois nous étions pauvres, mais nous n’étions pas parasites. Aujourd’hui nous sommes devenues des parasites.


Ce qui pose maintenant la question: pourquoi et comment sommes-nous devenus des parasites?


Comme tout est dans le mental et dans ce sens on dit que “le poisson pourrit par la tête”, il y a eu graduellement après les années 1950 un changement profond de mentalité, mais non pas dans le sens où on l’entend d’habitude, quand on dit par exemple: “les Haïtiens ne s’aiment pas entre eux”. Petit à petit après les années 1950 et en particulier vers les années 1970, les Haïtiens ont trouvé normal qu’ils soient des “Assistés”.


A la vérité c’est, bien sûr, un peu l’assistance elle-même qui a provoqué chez nous un changement radical, mais surtout et avant tout c’est l’attitude à l’égard de l’assistance. Je m’explique: Haïti a toujours eu des dettes (et en particulier cette infâme “Dette de l’Independence” qui a saigné le pays à blanc). Autrefois on avait honte d’avoir des dettes et on faisait l’impossible pour s’en débarrasser. Un cas typique fut la célèbre campagne menée par le Président Estimé pour rembourser les “cinq millions de dollars” qui mettaient sur notre pays sous une “tutelle financière”. En ce temps l’assistance étaient la honte. Depuis les années 1970 environ l’Assistance est devenue une situation normale.


Lorsque je suis revenu d’exil en 1986 l’Assistance était partout. Et non seulement elle était normale, mais elle était désirée, exaltée. En même temps avec l’Assistance la situation économique et sociale du pays avait dégringolé. La mendicité était et est encore partout.


Voilà essentiellement ce qui a changé en Haïti depuis environ un demi-siècle et qui explique notre déchéance: nous sommes devenus des Assistés sans dignité.


Le Président Estimé serait mort de honte s’il devait comme le fait le Président actuel avec un plaisir aussi grand que mal dissimulé, aller tendre son couï dans les couloirs des officines de tous les Grands de la planète.


A la lumière de tout cela quel peut être pour nous le salut?


Ici nous avons plusieurs approches et elles sont symboliquement déterminées par les réactions face à la présence actuelle de Bill Clinton. Non point l’homme, mais le fonctionnaire dans la mission qui lui est assignée.


  • Approche A Si Bill Clinton faisait discrètement du “coaching” en Haiti et prenait non point un profil haut, dominant, mais un profil bas, il serait acceptable en Haïti. Comme ce n’est pas le cas, ce qu’il doit faire c’est changer son mode de présence en Haïti.
  • Approche B Bill Clinton peut sauver Haïti, alors ouvertement ou en sous-main il est bon, il est souhaitable qu’il dirige Haiti à sa guise. Sans lui les Haïtiens ne pourront pas s’en sortir.
  • Approche C Clinton n’a pas sa place en Haïti. Il est le symbole de l’impérialisme américain. Clinton et US go home.

Cette Approche C est l’approche anti-américaine, anti-impérialiste. C’était l’approche faussement “charlemagne-péraltiste” de 1986 à 1992. Pour le moment elle ne peut rien nous apporter.


L’Approche A est l’approche de ceux qui préconisent, comme je le fais depuis toujours, des relations non de tutelle, mais d’égal à égal entre les Etats-Unis et Haïti. C’est exactement, et comme s’il m’avait lu, presque mot pour mot, ce que préconise le Président Obama dans son discours que j’appelle fondateur, qui annonce la fin de la géopolitique de Tutelle et le lancement de la géopolitique du Partenariat. C’est l’approche que l’on peut appeler “souverainiste”


L’Approche B c’est l’approche des tutellistes qui sont de deux sortes:

  1. Les Tutellistes absolus qui pensent qu’Haïti doit purement et simplement être mise sous protectorat. Un point c’est tout.
  2. Les Tutellistes modérés qui disent qu’ils ne sont pas pour un protectorat, qui disent combattre la Tutelle, mais qui ne rendent pas compte que lorsqu’ils acceptent la présence avec haut profil de Bill Clinton, pour quelque raison que ce soit, ils rejoignent les Tutellistes absolus, puisque c’est Bill Clinton qui mènent DE FACTO la barque d’Haïti. Ces Tutellistes modérés pensent qu’ils représentent la nouvelle génération, qu’ils sont de la “Nouvelle Vague” haïtienne, alors qu’en réalité il ne sont que de la dernière pluie, ou même de la dernière petite rosée bien gentillette, bien doucereuse.

La position des Tutellistes modérés va à l’encontre de ce que préconise solennellement le Président Obama décidé à sortir de la vieille géopolitique de la féodalité politique avec les Etats-Unis un État suzerain en face d’États vassaux. Ce temps est condamné et potentiellement révolu. Les esprits vieux et chagrins n’ont plus qu’à faire leur deuil. Et leurs valises. Pour paraphraser De Gaulle: l’Haïti de papa et même de granpa est morte. Allons même plus loin: les Etats-Unis de papa et même de granpa sont morts et il ne reste plus qu’à les enterrer; ce qui évidement peut prendre encore un peu de temps. Une Amérique nouvelle, une Haïti nouvelle sont désormais en gestation. Pour employer une belle métaphore qui, parce que belle et dite en français châtié de l’Académie Française, ne sera plus offensante, j’espère, et ne provoquera pas des cris de putois ou de vestale outragée: les tutellistes modérés ressemblent à ces fantômes de la nuit que l’aurore a surpris dans leurs ébats fantomatiques et qui s’attardent encore dans l’air vaporeux du jour nouveau qui se lève. Leur heure est passée. Nous les invitons gracieusement à regagner leurs demeures souterraines.


Pour le moment je propose à tous d’adopter l’Approche A, l’approche souverainiste ou “nationaliste” si l’on veut, même si on a fait à ce mot une très mauvaise presse. J’en expliciterai plus tard les corollaires et les exigences.


C’est, de toutes façons, l’approche dans laquelle les Etats-Unis d’Amérique vont se lancer dans le plus proche avenir et qui va correspondre à un “désengagement” américain par rapport au monde entier. J’explique ailleurs que c’est le résultat d’un passage obligé du “Hard” vers le “Soft” dans la géopolitique américaine. Haiti devra se mettre au pas. Car, désolé pour les mentalités d’un autre âge, c’est la seule approche qui va pouvoir sauver Haiti et l’aider à devenir une nation belle, prospère, grande et heureuse.