Les premiers pas vers la réforme de l'UEH
Les premiers pas vers la réforme de l'UEH
Par Dore Guichard
Alors que la demande de réforme de l’Université d’État d’Haïti (UEH) est presque récurrente, la Commission de réformes organise sa première discussion publique depuis sa création il y a plus d’un an. Des professeurs, venus de l’étranger, partagent leurs expériences de réformes universitaires en Amérique latine et dans la Caraïbe.
S ept spécialistes venus du Canada, d’Argentine, d’Uruguay, d’Ouagadougou, de Tunisie… interviennent dans le cadre de ce colloque qui s’achève ce jeudi. Les discussions se déroulent dans un hôtel privé de Port-au-Prince , tandis que les différentes facultés de l’Université d’État d’Haïti (UEH) sont pour la majorité disfonctionnelles en raison des manifestations étudiantes.
Ce colloque est une initiative de la Commission de réforme de l’UEH. Les spécialistes partagent avec Haïti les modèles de réformes universitaires dont ils ont été les acteurs-témoins. Le professeur uruguayen, Claudio Rama, ancien responsable de l’Institut international de l’Unesco pour l’enseignement supérieur en Amérique latine et dans les Caraïbes (Iesalc) est l’un des conférenciers. Dans une entrevue au Matin, il expose certains aspects de la réforme universitaire en Amérique latine et dans la Caraïbe. Selon lui, ces réformes ont touché le système d’Enseignement supérieur dans son ensemble : l’introduction de l’enseignement à distance, l’amélioration constante et systématique de la qualité de l’enseignement supérieur, la généralisation des stages pratiques à toutes les disciplines, sont quelques uns des multiples changements qui caractérisent cette réforme.
« Dans certains pays de l’Amérique latine, la réforme des universités a été systémique, c’est-à-dire qu’elle a touché l’enseignement supérieur dans sa globalité, les universités, les écoles supérieures et polytechniques privées et publiques. Plusieurs mesures accompagnent cette réforme. L’une d’elles est la formation académique à distance. Elle a augmenté la capacité d’accueil des universités. Pendant longtemps, les universités de l’Amérique latine ont été confrontées à une demande sociale très forte. Un système de contrôle de la qualité et des formes d’accès complexes accompagne cette innovation. Des agences externes et indépendantes se chargent de ce contrôle. Le travail de ces structures s’incrit dans un système d’évaluation et d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur. Ce système existe en Colombie, au Costa Rica, au Chili », explique Claudio Rama.
« L’autre possibilité qui existe, c’est le système de crédit académique, poursuit-il. Les crédits accumulés dans une université peuvent être transférés dans une autre en cas de déplacement de l’étudiant. Cette disposition réduit la désertion académique. Elle permet une continuité dans l’apprentissage. Ce système permet d’accumuler des crédits dans plusieurs domaines choisis par l’étudiant. Je m’explique, un étudiant en ingénierie peut accumuler des crédits dans un établissement d’enseignement de langues par exemple s’il le désire. »
L’articulation de l’Enseignement supérieur aux demandes du marché du travail, l’actualisation constante des diplômes a été, selon le professeur, un changement introduit dans l’enseignement universitaire de ces régions. « Avant les réformes, les stages étaient obligatoires pour les étudiants et étudiantes des facultés de Médecine uniquement. Maintenant, c’est exigible pour toutes les disciplines. Donc, l’objectif de la formation universitaire n’est pas l’accumulation du savoir, mais plutôt la maîtrise d’un savoir-faire. Pour cela, l’université a été attentive aux nouvelles demandes du marché du travail. La création d’une filière d’études en tourisme a nécessité des discussions avec des entreprises qui travaillent dans le secteur », rappelle Claudio Rama. «L’innovation la plus remarquable est l’actualisation des diplômes. Autrefois, un titre académique était décerné pour la vie. Maintenant, c’est pour une durée limitée. Si le détenteur du diplôme n’est pas productif, c’est-à-dire s’il n’est actif sur le marché du travail, s’il ne produit pas des services, il est licencié. On lui retire son diplôme. Je crois que c’est l’une des innovations importante des réformes », soutient Claudio Rama.
Ce colloque intervient à un moment où l’Enseignement supérieur haïtien est dans l’impasse. Les facultés de l’Université d’État d’Haïti vivent des crises en série. Les étudiants et étudiantes manifestent dans les rues actuellement. Les décisions du décanat de la faculté de Médecine et de Pharmacie, celui de réduire les stages de moitié par exemple, ont déclenché ces manifestations. Avant les étudiants de la faculté d’Ethnologie et de l’École nationale des Arts ont organisé de vives protestations contre des mesures projetées par le Rectorat. La Commission de réforme devrait apporter des solutions à la crise structurelle de l’UEH en proposant un projet de réforme. Mais créée en 2008, cette commission vient tout juste de réaliser son premier débat public. L’absence de ressources matérielles et financières hypothèque le travail de cette commission.
« Nous venons de loin. Ce n’est pas pour rien que la Commission de réforme, constituée depuis avril 2008 en vertu des dispositions transitoires qui régissent le fonctionnement de l’administration centrale de l’Université d’État d’Haïti, réalise seulement aujourd’hui sa première manifestation publique. Nous venons de loin car, en dépit des prescrits des mêmes dispositions transitoires, les conditions minimales indispensables à notre fonctionnement, à l’exercice de nos activités, ne sont pas encore réunies. Puisque ni le ministère de l’Éducation nationale ni les autres instances de l’État interpellées en la circonstance n’ont pas encore répondu aux sollicitations du Conseil exécutif », a martelé le professeur Fritz Deshommes, membre de la Commission et vice-recteur à la recherche à l’UEH.
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